Quand l’Agence Santé Québec embarque sur la voie rapide

L’année 2023 a été chargée pour l’écosystème de la santé. Pensons à l’abolition des agences de placement de personnel, les négociations avec le secteur public, le bras de fer avec les médecins spécialistes ou encore la fin des projets de zone d’innovation liés aux sciences de la vie de Québec et Montréal.

Mais l’évènement le plus marquant est sans contredit le dépôt par le ministre Christian Dubé du projet de loi 15. Au cœur du Plan santé, il vise à revoir les structures, notamment en créant l’Agence Santé Québec, qui aura comme mandat la gestion des opérations du réseau, alors que le ministère se concentrera dans le futur sur les grandes orientations.

Au départ, les groupes d’intérêts étaient globalement ouverts aux changements et ont accueilli plutôt positivement le projet de loi. Les critiques étaient plutôt dissipées devant un ministre bien en selle et respecté. La sortie des six ex-premiers ministres concernant les impacts sur les fondations, bien qu’imparfaite, a quand même ouvert la voie à un peu plus de contestations en fin de parcours.

Malgré le nombre impressionnant d’articles, soit 1 180 articles au départ, le travail parlementaire s’est passé rondement. Il n’y a pas eu de blocage de la part des parlementaires, mais c’était tout de même trop long au goût du ministre qui souhaitait ardemment la mise en place de l’Agence dès le printemps 2024.

Tout est une question d’opportunité politique. Les élections générales de 2026 arrivent bien vite quand on a un grand chantier à réaliser. Plus la mise en place de l’Agence prenait du temps, plus la CAQ risquait de se retrouver face à l’électorat sans avoir concrétisé une pièce importante de son plan et les résultats attendus.

Après les débats, l’atterrissage

L’adoption du projet de loi est certainement un évènement marquant. Mais la prochaine année sera autant, sinon plus cruciale que celle qui se termine. Parce que dans les grandes transformations de ce type, les objectifs ne sont atteints que si les troupes suivent.

Deux éléments seront la clé du succès : un leadership fort et une transition harmonieuse pour les employés. Sans ça, toutes les bonnes intentions du ministre pourraient frapper un mur.

Pour ce qui est du leadership, la personne qui sera nommée à la tête de l’Agence fera assurément une grande différence. Le ministre Dubé semble miser sur un profil comptable, issu du cercle économique montréalais, ayant une aptitude pour les opérations.

Pour les employés, il faudra rapidement communiquer les changements d’organigramme prévu : qui demeure au ministère, qui va à l’Agence et à quelles conditions. Tant que ces éléments demeureront flous, il y aura un risque de démobilisation des équipes et de perte d’expertise.

Le gouvernement Legault a donc encore beaucoup de pain sur la planche avant de pouvoir affirmer que sa réforme est un succès. Le ministre Dubé devra prêter une attention particulière aux humains derrière le réseau, souvent les grands oubliés des réformes. Tout ça alors que les négociations dans le secteur public pourraient laisser un gout amer dans les relations de travail.