Regards croisés sur la session parlementaire

D’après vous, quels étaient les objectifs du gouvernement Legault, et est-ce que ces objectifs ont été atteints?

PM : La CAQ place la transition énergétique au cœur de ses priorités pour son deuxième mandat, en la reliant à la création de richesse. François Legault veut faire de cet enjeu un des legs majeurs de son règne. Avec 9 milliards de dollars sur cinq ans, le gouvernement affiche sa volonté de décarboner l’économie québécoise. La création de la Vallée de la transition énergétique, annoncée le 29 mai, vise à positionner le Québec en tant que leader mondial dans la filière batterie et l'électrification des transports. Avec ces deux annonces, le gouvernement ouvre le jeu en plaçant des pièces importantes pour la suite du mandat.

JW : La pandémie étant derrière nous, je considère que l’objectif principal du premier ministre était de ramener les priorités caquistes dans l’ordre du jour du gouvernement. Le projet de loi sur l’efficience du réseau de la santé et le développement de la filière batterie ont permis à la CAQ d’atteindre ses objectifs. Cependant, les nombreuses crises avec lesquelles la CAQ a dû jongler ont porté ombrage à certaines réalisations. Malgré tout, le gouvernement Legault jouit encore d’un fort taux d’appui de la population. Le défi des prochaines sessions sera de s’assurer de le maintenir!

La plupart des observateurs s’entendent pour dire que les oppositions sont morcelées et, en quelque sorte, affaiblies. Ont-elles réussi à accomplir leur travail?

JW : En partie. Le PQ a pris sa place, malgré qu’il soit représenté seulement par 3 députés. Le PLQ n’a pas réussi à s’imposer dans ses thèmes classiques tels que l’économie, mais a fait de bons coups en éducation et avec le projet de loi sur le don d’organes. QS a été plutôt effacé, mais a réussi à remettre de l’avant son dossier phare, la lutte aux changements climatiques, en lien avec les feux de forêt.

PM : Le PQ a réussi un tour de force en faisant entrer ses trois députés à l'Assemblée nationale sans devoir prêter serment à la couronne d'Angleterre. Je trouve que Marc Tanguay est un chef de l’opposition efficace, mais il a commis une erreur en s’attaquant au commissaire à la langue française au moment où son parti cherche à renouer avec un certain nationalisme. Québec solidaire a voulu gagner des points en s’opposant à la hausse de salaire pour les élus, mais le refus de certains députés de redistribuer l'intégralité de leur augmentation à des organismes communautaires envoie un message d’incohérence.

La session parlementaire nous a apporté son lot de crises pour le gouvernement caquiste. Quelle est la crise dont on va le plus se souvenir d’après vous?

PM : La hausse de salaire de 30 000$ que se sont octroyé les élus de l'Assemblée nationale peut difficilement ne pas faire grincer des dents les syndiqués du secteur public, surtout en période de renouvellement des conventions collectives. On en parlera encore pendant longtemps.

JW : Le recul sur le troisième lien est pour moi la crise la plus importante que le gouvernement Legault ait eu à gérer. Bien que cette annonce ait été accueillie avec soulagement par plusieurs, elle a atteint la cohésion des troupes caquistes. En politique, les crises internes sont souvent celles qui laissent le plus de traces.

Heureusement, il n’y a pas seulement eu des crises! Si vous pouviez nommer une avancée ou une politique qui a été réalisée à l’Assemblée nationale, qui va avoir un impact dans la vie des Québécoises et des Québécois, ce serait laquelle?

JW : L’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir. Le Québec a été à l’avant-plan dans ce domaine et, compte tenu de la sensibilité du sujet, l’Assemblée nationale doit demeurer agile pour s’adapter à l’évolution de la société. Nous avons eu encore une fois la démonstration de la possibilité de faire avancer des dossiers de façon transpartisane, mais sans complaisance.

PM : Le projet de loi pour créer Santé Québec porte véritablement l’empreinte de Christian Dubé, qui souhaite faire de la transparence, de la performance et de l’imputabilité les piliers d’une transformation du réseau de la santé, tout en favorisant le recrutement de « top guns » du privé pour incarner ce changement de culture. Voyons maintenant si cette refondation apportera des résultats tangibles et positifs pour les patients.